"Nathalie, tu vas nous trouver un travail.
Non
Pourquoi non?
Parce que c’est à toi de le chercher, si tu as vraiment envie.
Je ne peux pas : c’est difficile d’avoir les papiers nécessaires.
Cherche un travail d’abord, et quand tu auras un contrat, l'entreprise ou toi fera les papiers. Si tu le veux vraiment, c’est possible. Et pourquoi veux-tu venir en France?
Pour travailler et gagner plus d’argent qu'ici, pendant quelques années. Puis revenir et ouvrir mon hotel/restaurant.Parce que je n'ai pas envie de rester vivre en France, je veux vivre ici".
Voici un petit extrait d'une conversation que j'ai eu récemment avec une personne pendant mon séjour au Maroc. Elle travaille depuis des années dans le tourisme, je la sais compétente et super fiable, hyper bosseuse. Mais j'ai répondu "non" du tac au tac. J'ai un peu culpabilisé par la suite, je l'avoue, de ne pas accéder à sa demande. Mais cette conversation, et celles qui ont suivi, m'ont permis de me rendre compte que :
1°) la demande, formulée ainsi, n'était pas juste : ce n'était pas "aide moi à faire un cv ou trouver des pistes pour un emploi" mais "trouve moi un emploi". Deux demandes très différentes, même si l'objectif reste le même. Dans le premier cas, la personne reste acteur de sa démarche; dans le second cas, elle sollicite un tiers pour qu'il mène l'action à sa place. Et alors, cela devient lourd pour celui qui accepte. Il endosse une responsabilité qui n'est pas la sienne; porte les attentes du demandeur; et dépense du temps et de l'énergie pour les projets ou les rêves d'un autre.
2°) il peut arriver que ces projets ou ces rêves ne soient pas les vrais, qu'ils résultent simplement d'une croyance, d'un fantasme, d'une situation idéalisée, ou d'une fuite pour ne pas gérer et régler le problème ou la difficulté là où ils se posent.
Nous avons pris le temps de comparer ensemble les situations de deux personnes au SMIC, le revenu mimimum légal existant aussi au Maroc. Sur le papier, le Français perçoit effectivement beaucoup plus : 1394 euros bruts (1094 euros nets) pour 35 heures de travail par semaine, contre 2230 Drhs bruts (2000 Drhs nets soit environ 180 euros) pour 44 heures de travail par semaine pour un Marocain.
Mais le coût de la vie est bien différent. Pour me rendre compte de la différence, j'ai demandé les prix "de base", sur Ouarzazate, une ville classée récemment parmis les plus dynamique du pays. Une maison se loue 300 drhs par mois environ (petite, pour une personne), un kilo de viande coûte de 70 à 90 drhs, un kilo de carotte 4 drhs, un kilo de courgette 6 drhs et un pain 1.20 drhs. Quand je lui ai dit les prix en France, pour les mêmes choses, elle est tombée de sa chaise. Les conditions de vie sont elles aussi bien différentes : là bas, la solidarité existe encore, personne ne laissera quelqu'un mourir de faim; le temps s'écoule à un autre rythme. Bref, la conclusion était que la vie n'est pas forcément plus rose et plus facile en France, contrairement aux idées reçues.
Cela m'a rappelé ces jeunes gens rencontrés en Nouvelle
Calédonie, qui avaient tout plaquer en métropole pour venir, et qui découvraient, arriver là bas, que l'herbe n'était pas plus verte sur l'île du bout du monde. Bien au
contraire...
3°) il est difficile de voir tous les choix qui s'offrent à nous à chaque fois. Ils sont nombreux pourtant, mais, au mieux, on focalise sur une ou deux possibilités. Quand on arrive à les voir.
Au fil de nos échanges, j'ai ainsi appris que cette personne travaille, depuis des années, 7 jours sur 7 pour 1000 Drhs par mois, nourrie. Non déclarée par son employeur, elle perçoit moins que le minimum légal et ne bénéficie d'aucune couverture sociale. Un procédé qui a, à priori, la vie dure (voir cet article, je n'en ai pas trouvé de plus récent malheureusement).
Avant, jamais elle ne parlait de sa situation. Mais récemment, elle pris conscience que ce n'était pas normal et qu'elle disposait de droits. Et elle a aussi
réalisé que si elle percevait ce fameux minimum légal, si le temps de travail était respecté et si elle bénéficiait de la protection sociale...alors elle serait heureuse de rester au Maroc et de
continuer à travailler en montant son projet en parallèle. Parce que ce sont ses vraies envies.
Au moment de partir, cette personne m'a dit "je comprends que je peux commencer par changer ce que je veux changer ici. Alors je vais déjà me battre pour faire
valoir mes droits, même si c'est pas facile. Et si ici, les choses ne changent pas, alors je chercherai ailleurs mais cette fois-ci je ferai attention à mes droits."
En partant, je lui ai laissé cette "petite phrase" de Gandhi qui figure sur mon autre blog depuis ses débuts, et qui prend, de plus en plus, tout son sens
"vous devez être le changement que vous voulez voir dans le monde"
Changer ce qu'on veut changer dans son fonctionnement et dans sa vie. Pour soi, à son niveau. C'est là la clé qui me permet,
personnellement, d'avancer au quotidien. Je ne cherche pas à changer le monde ou les personnes qui m'entourent. Je cherche à me changer moi, et à changer ma vie pour être de plus en plus en
accord avec ce que je veux vivre et comment je veux le vivre. Un vaste chantier, celui qui mène au bonheur.